Economie dentreprise
Notre vénéré Directeur Général s'est fendu d'une communication. C'est tellement rare que c'est notable.
Cela fait un peu plus de trois ans que je travaille ici, et je n'ai croisé qu'une seule fois ce brave homme.
Non,
non, je ne travaille pas dans une multinationale surpeuplée. Juste une
PME de 120 employés... mais néanmoins filiale d'un grand groupe
international. L'organisation de ladite boîte, j'en parlerai un autre
jour. Simplement, croyez moi sur parole, je ne connais pas mon DG, ni
même mon DRH... et j'ai même parfois du mal à savoir qui est mon chef
(ici, on dit manager ou team leader, mais je causerai aussi un jour du langage en vogue).
Revenons à la communication annuelle de notre boss.
Le
document est sobre. Genre document de travail. En anglais, langue
internationale obligatoire pour communiquer efficacement au sein d'une
PME franco-française, une demi page. L'homme est efficace, et ne mâche
pas ses mots. Après une formule de politesse pour nous rappeler combien
il était heureux de nous compter parmi ses collaborateurs, il attaque
bille en tête le bilan de l'année (presque) écoulée. Du classique, que
du classique. Je parcours le truc en diagonale, c'est de
l'archi-remaché que j'ai lu déjà des centaines de fois.
Et
je tombe en arrêt. Et mon anglais me tombe des mains (si je puis dire).
J'appelle à l'aide mon collègue pour qu'il me traduise la phrase, je ne
suis pas bien sûr de bien comprendre. Nous tombons d'accord sur cette
traduction qui nous semble fidèle :
« Nos clients sont de plus en plus mécontents
du rapport qualité / prix de nos prestations. Afin d'inverser cette
tendance, il nous faut donc baisser les prix... »
Ah...
notre DG fantôme rencontre ses clients qui lui disent que sa merde est
trop chère, et donc lui les rassure en leur promettant que nous
continuerons à être nuls, mais à meilleur prix.
Bien...
c'est une conception du commerce comme une autre, non ? Et puis...
il est DG, donc il doit savoir ce qu'il fait...
Justement... c'est pas possible un truc comme ça ! Je continue la lecture :
« Pour
atteindre cet objectif, j'ai nommé X responsable de l'application de la
politique de réduction des coûts auquel chaque salarié devra se plier
dès janvier. »
Et
bien voilà... c'était pas la peine de tourner autour du pot et de
trouver des excuses bidons pour ne pas nous augmenter !
Ce
n'est pas la meilleure excuse que j'ai rencontrée. Alors que je n'étais
qu'un débutant plein d'avenir mais très désargenté, le boss m'avait
convoqué pour l'entretient annuel et m'avait expliqué après la brosse
à reluire, que mon travail était formidable etc... qu'il avait pensé
un moment m'augmenter de 5 %, mais que, ce faisant, je dépassais le
plafond Sécu et atterrissais dans cet univers dangereux (mais
convoité !) qu'est celui des cadres. Et il m'apprit par la même
occasion que le pôvre cadre est assujetti à des cotisations sociales
telles que mon salaire net de cadre serait inférieur à mon salaire net
actuel de deuxième pompe.
Une
autre, du même acabit, délivrée par un directeur technique absolument
antipathique. Il s'était livré m'assurait-il au calcul de mes
revenus nets et s'était aperçu avec horreur que la moindre augmentation
me faisait changer de tranche d'imposition. Et dans sa grande
mansuétude, il m'avait évité de perdre ainsi de l'argent. Il avait même
poussé le culot plus loin en me disant que son geste salvateur évitait
également à l'entreprise de perdre de l'argent qui de toutes façons
serait parti dans les poches de l'état.
Alors si l'entreprise et moi sommes gagnants sur ce coup là. Chapeau patron !