Préhistoblog
Cétait un mois doctobre.
Pluvieux, froid, gris, et noir dans la tête.
Je nai jamais
bien compris quest ce qui mavait plongé dans cet état. Non, non, je nétais
pas dépressif. Je ne voulais pas être dépressif. De toutes façon, les
dépressifs ne font que pleurer. Moi pas. Jamais.
Je voulais juste
me tuer.
Et je traînais ma
rage de moi, avec moi. Forcément. Cest insupportable de vivre avec quelquun
quon ne supporte pas. Alors quand ce quelquun cest soi-même...
La question qui mobsédait
cétait pourquoi suis-je comme ça ? Par comme ça, je voulais dire différent, tellement différent que javais
un mal fou à communiquer avec les autres. Les normaux, ceux qui vivent leur vie sans se demander sans cesse
pourquoi ils sont là. Labsurdité de la vie me laissait pantois. Etais-je le
seul à men rendre compte ?
Alors jai créé
mon blog.
Avec les moyens
de lépoque.
Cétait un petit
carnet. Javais choisi du Clairefontaine,
parce quà lépoque cétait ce quil se faisait de mieux.
Format poche.
Pour le ranger dans ma poche.
A petits
carreaux. Comme des barreaux sur les pages.
Sans spirales. Cest
moins chiant pour écrire sur les versos.
Vert. Comme lespoir.
Je ne savais pas
ce que jallais jeter dans ce carnet. Heureusement. Cétait mon premier acte
non réfléchi.
Cétait au
Monoprix, près de la gare. En sortant, jai croisé Pascaline. Vingt ans, SDF.
Je lui ai filé sept euros soixante deux. Enfin, cinquante francs. A lépoque cétait
des francs. Elle a du me prendre pour un malade.
Jétais malade.
Et jai écris ma
première note enfin, ma première page. Mal assuré. Pas lhabitude de parler
de ce que je ressentais. A propos de Pascaline. Javais trouvé mon sujet.
Il ny a pas eu
de commentaires à cette note. Normal, personne navait lu. Normal aussi, je navais
absolument aucune envie que quiconque lise ça.
La honte !
Deux ans. Deux
ans décriture dans ce carnet. En tout petit, sans citer de noms, au cas où
quelquun le lirait.
Deux ans pendant
lesquels jai écrit mon mal être. Et à chaque souvenir évoqué, à chaque
blessure dévoilée, une autre ressurgissait dans ma mémoire.
.../...
Jai égaré mon
petit carnet dans mes multiples fuites pardon, multiples déménagements.
Il y a quelques
semaines, en ouvrant de vieux cartons de vaisselle qui me suivent sans jamais être
déballés, un carnet vert entre deux assiettes. Jentrouvre. Cest bien lui, ce
sont bien mes pattes de mouche qui couvrent chaque ligne de chaque page.
Je lai rangé
comme une relique, avec mes objets précieux. Un briquet acheté en Patagonie,
une pierre de laltiplano Chilien, une boite dallumettes avec un dodo de
Maurice. La clé de contact de la voiture avec laquelle jai fait un tonneau,
une épingle à nourrice, une photo didentité, des bouts de papier, des trucs,
des machins, tout ce qui fait la vie.