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Décrochage
4 août 2005

Rêve de gosse


Encore une histoire qui ne va pas nous rajeunir...

J’avais 10 ans et les vacances approchaient. Elles approchaient dans la tourmente. Mon père était mort quelques semaines avant et notre situation financière n’était pas catastrophique mais pas loin. Alors dans ces conditions, inutile d’envisager des vacances.

Chaque année nous allions traditionnellement sur les plages du Pas de Calais pendant le mois de juillet. Un mois, une location, les goûter baguette viennoise-chocolat sur la plage avec le sable qui croque sous la dent, les promenades dans les dunes, les coups de soleil, les baignades dans l’eau glaciale... Mais là, ma mère nous avait fait comprendre que non seulement elle n’avait pas le coeur à ça mais qu’en plus les finances ne s’y prêtaient pas.

Jusqu’à ce que, par je ne sais quel miracle, elle s’est vue proposer par le diocèse un boulot dans une colonie de vacances. Elle gagnerait un peu d’argent, et nous, nous pouvions envisager des vacances.

Bien, l’idée ne me tentait pas vraiment. Je préférais de loin retourner sur la côte plutôt que me faire huit heures de bus pour aller je ne sais où avec une bande de moutards que je ne connaissais pas. Mais bon, de toutes façons je n’avais pas le choix.

Après une nuit dans le bus, j’ai ouvert les yeux sur une place de village jaune-rose. La place était entourée de bâtiments en pierre brute d’un joli rosé sous le soleil levant. Une église trapue se dressait à l’extrémité, il faisait chaud, le ciel était différent, et les moniteurs nous dirigeaient vers une grille qui entourait un parc dont le fond était barré par une immense battisse en pierre.

Pour la première fois de ma vie je quittais mon Nord natal. Pour la première fois, je dormais en dortoir, mangeais à la cantine, me promenais à pied, visitais des églises, des châteaux, allais à la piscine, croquais des tomates entières en m’en mettant partout et découvrais un pays où le goudron des routes est rouge, les pierres roses, le paysage vallonné.

Je ne savais pas où j’étais. Je connaissais bien le nom du village, mais absolument pas l’endroit où il se situait. Ma mère m’avait dit : « loin », comme d’habitude.

Et je me souviens qu’un jour, au détour d’une route qui serpentait sur une colline boisée, je me suis dit « qu’est ce que j’aimerais vivre ici »...

Le temps a passé, beaucoup de temps, presque trente ans. Au hasard d’une promenade en Bourgogne, après avoir visité notre 27ème chapelle romane de la journée, un panneau indicateur fait bondir mon coeur : le village de mes vacances était là, à 15 kilomètres à peine. Nous y sommes bien sûr allé. Je me suis garé sur la place face à l’église. Devant elle, un bâtiment de pierre avec une grille devant. A ce moment là, j’ai eu l’impression étrange de me dédoubler. Il me semblait que je tenais par la main un gamin de 10 ans, et que je l'emmenais avec moi visiter la petite ville. Nous sommes allé revoir le tympan de l’église, contourné le bâtiment pour revoir les jardins, visité le château fort... J’étais silencieux, j’écoutais le plaisir de ce petit garçon de retrouver ce village magnifique.

Un peu plus tard, un peu par hasard, une annonce immobilière. Une fermette à restaurer.  Tout près, là tout près...

J’ai réalisé mon rêve de gosse.

 


 

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Commentaires
B
C'est d'autant plus rare de le faire pour ne pas te féliciter !
P
... à toutes les trois pour vos commentaires.<br /> <br /> Le petit garçon est très très présent depuis quelques années. Quand je suis au commandes de l'avion, c'est moi qui pilote, mais c'est lui qui s'émerveille et qui chuchotte "abracadabra" pour le faire décoller...
M
Je suis sincèrement émue par cette jolie histoire ...<br /> On a toujours en nous l'enfant que l'on a été , j'en suis sure !!<br /> Pour moi, la petite brune que j'étais à 10 ans, fait encore de la balançoire et se moque de moi lorsque j'essaie d'être sérieuse ;)
M
Il y a une phrase qui me plait, je ne sais pas de qui elle est, mais elle pourrait bien convenir à ce rêve que tu as réalisé..<br /> <br /> " Il ne faut jamais lâcher la main de l'enfant que l'on était"<br /> <br /> Merci pour ce beau texte
C
Mais non Pitch...<br /> Y a pas de hasard...cette annonce immobilière...c'est pas un hasard<br /> Elle attendait un ancien petit garçon de dix ans...<br /> Touchée par ton entrée...
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