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Décrochage
22 août 2005

Rocher Noir

Pour Céline, et surtout parce que j'ai envie de vous le raconter, voila l'histoire d'un sacré Rocher Noir. Il était une fois, il y a très longtemps....

Sur le plateau, deux rochers Suchard. Les rochers Suchard, vous savez, ces friandises au chocolat, trop grosses pour la bouche ce qui implique d'avoir deux doigts disponibles pour les tenir, et le plaisir de les sucer quand il ne reste plus rien.

Donc deux rochers sur le plateau, qui voisinent avec un sandwich jambon-fromage et une barquette de carottes râpées.

Aujourd'hui... c'est la fête. Aujourd'hui c'est le réveillon du nouvel an, et c'est la fin de semaine en même temps. Je regarde mon plateau avec un sourire amer. Ce soir, je vais être seul, une fois de plus, pour un réveillon. Et quelque part, ça me va bien, je n'ai pas le coeur à rire, pas le coeur à faire semblant d'être heureux, et c'est par pure dérision que je m'offre ce dessert de fête.

Il est midi trente, je règle ma note à la caisse, prend le sachet contenant mon sublime repas, et traverse le hall du centre commercial pour me diriger vers la tour monstrueuse qui, au trentième étage, abrite mon bureau.

Ca ne va pas, oh non, ça ne va pas fort. Ce soir je prendrai ma voiture pour retourner chez moi, tout là haut dans le Nord, où je passerai un réveillon devant une assiette de pâtes et une omelette, en oscillant entre la rage et la peine.

J'arrive en vue du rez-de-chaussée du monstre en béton où se dresse en plein centre l'accueil, espèce de comptoir démesuré duquel émerge une tête brune et frisée comme un mouton. Enfin, un mouton qui n'aurait pas que brouté son herbe. Je me dirige d'un pas résolu vers la pauvre demoiselle propriétaire de la toison hirsute et avec mon plus beau sourire, je lui demande si elle aime le chocolat. Elle hésite, puis répond oui. Je lui abandonne alors un rocher, assorti d'un " bonne année " et d'un clin d'oeil, et sans lui laisser le temps de réagir, me dirige vers les ascenseurs.

Je n'ai jamais vraiment su pourquoi j'avais fait ça. Initialement, les deux rochers étaient pour moi, à moins qu'inconsciemment je n'aie préparé mon coup. Toujours est-il que Sam et moi sommes devenus les meilleurs amis du monde. Après une période d'observation durant laquelle nous avons vogué de la franche camaraderie au flirt, nous avons finalement décidé d'être uniquement copains. Nous n'avions envie ni l'un ni l'autre d'une histoire foireuse de plus, et franchement, on se marrait tellement tous les deux que c'eut été dommage de chercher autre chose.

Chacun étant la béquille de l'autre, nous nous sommes sortis mutuellement de la mauvaise passe dans laquelle nous étions, et, nos vies se sont peu à peu séparées, chacun retrouvant un conjoint, un autre travail, un autre quotidien. Nous étions toujours en relation, mais nous ne nous voyons plus guère.

Jusqu'au jour où... j'ai ouvert la porte de mon appartement. Derrière il y avait Sam et son ami, armés d'une bouteille de Moulis 94 d'un château renommé. C'était mon anniversaire, 33 ans, et pour me faire une surprise, mon amie d'alors les avait invité. La soirée avait été sublime, nous ne nous étions pas vus depuis de longs mois.

La roue de la vie a continué de tourner, mon amie et moi nous sommes séparés, j'ai déménagé, emportant mes CD et ma bouteille de Moulis. J'étais coutumier des accidents de coeur, et ce n'en était qu'un de plus. Pas mortel, mais suffisamment violent pour que j'appelle Sam au secours. Elle aussi avait quitté son ami, et une fois de plus nous nous sommes posés la question d'une éventuelle histoire à deux. Après quelques hésitations, nous sommes tombés d'accord pour décider que non, finalement, c'était mieux comme ça. Et comme pour me prouver sa bonne volonté, Sam entrepris de me présenter ses amies célibataires. A mon corps défendant, j'insiste, mais elle savait être persuasive...

Ce petit jeu m'ennuyait furieusement, surtout qu'après chaque rencontre il y avait le débriefing...
-    Non, vraiment, Caroline, tu vois, elle est trop maniaque...
-    Oui, mais t'as vu comment elle est mignonne ?
-    C'est sûr, c'est sûr... mais sérieusement elle doit être difficile à vivre...
-    'tain, les mecs ! Qu'est ce que vous pouvez être chiants !

C'est ainsi que j'ai épuisé son stock de copines célibat', et quelque part ça m'arrangeait bien. J'en avais marre de me prendre des gamelles, et je me voyais bien devenir ermite au fond de ma grotte, et l'absence de femme à l'horizon n'était pas pour me déplaire. Je me croyais donc à l'abris quand un jour, coup de fil de Sam qui m'annonce qu'elle a retrouvé une de ses amies, exilée au fin fond du grand Ouest et que je suis invité pour passer le week-end là bas. Le plus amusant c'est que la ville où habitait cette copine, j'y passais à peu près la moitié de mon temps pour des raisons professionnelles. Argument de Sam : "comme ça, quand tu seras là-bas et que t'en auras marre de la télé à l'hôtel, t'auras qu'à l'appeler !".

Ben voyons, elle va être à ma disposition ta copine !

Bref nous voila parti... Une fois sur place, direction le centre ville, deuxième à droite, et je fais signe à Sam : " tu vois là, c'est mon hôtel ! ". Elle se marre : " tu vois là, c'est là qu'elle habite ! ". Pile en face. Voiture garée, les sacs, on monte au troisième sans ascenseur. V. ouvre la porte, et là, j'ai réussi à ne pas tomber amoureux au moins pendant dix secondes.

Après, c'était trop tard.

Quelques mois plus tard, V. et moi nous nous envolions en direction de Jérusalem pour nos fiançailles. Là bas, dans le magnifique hôtel que nous avions réservé, j'ai sortit la bouteille de Moulis de mon sac. Le cadeau de Sam méritait bien cet honneur. V. voyant la bouteille me dit en rigolant : "C'était donc toi, l'anniversaire ?". Devant mon air d'incompréhension, V. m'a raconté que quelques années avant, Sam était passé chez elle pour lui demander de l'aider à choisir un cadeau pour un bon copain à elle. Ne connaissant rien en vin, c'est V. qui a choisi la bouteille de Moulis.

Voila l'histoire du rocher noir. C'est fou comment ce petit morceau de chocolat a pu influer sur le déroulement de ma vie. Ce qui est fou aussi c'est cette somme de coïncidences qui ont émaillées ces quelques années. Ne vous demandez pas pourquoi j'ai du mal à croire au hasard. J'ajouterais encore juste deux choses à cette histoire ; la première c'est que je conserve depuis une tendresse toute particulière pour les hôtesses d'accueil. Mais surtout, jamais, jamais, ne retenez un geste spontané tant qu'il part d'une bonne intention.

Un tout petit sourire peut amener tant de jolis fou rires.

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Commentaires
M
je cherchais une photo de rocher suchard et je suis tombé sur ton histoire... que j'ai finalement lue jusqu'au bout.<br /> le hasard n'existe pas. et pour moi ton histoire était peut-être là pour me le rappeler.<br /> merci pour ce moment de lecture.
A
parfois on s'ouvre des portes juste en souriant..c'est une très belle histoire pitch, et je suis ravie de découvrir ton blog :)
C
Argh, et dire que je ne suis même pas passée depuis l'autre jour, voir si l'histoire du rocher suchard avait éclos !!!<br /> <br /> Ca c'est une super jolie histoire, Pitch...<br /> Tu sais quoi ? C'est mon chocolat préféré les Rocher (bon avec les "mon cheri" aussi, que d'amour finalement !). Ca fait une éternité que j'en ai pas mangé, demain j'irai m'en acheter, et je les mangerai en pensant à toi ! :-)
B
La vie, c'est comme une boite de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber.<br /> Forrest Gump.<br /> <br /> Et ton chocolat, c'était le meilleur.
C
J)ai lu, Pitch, c'est beau ce que tu racontes. Et tu le racontes bien.<br /> Je pense aussi qu'il y a de ces coincidences...qui n'en sont pas en fait...<br /> J'ai adoré l'histoire de la bouteille de vin...
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