Plouf !
Budapest.
Dans
la navette qui nous amène de l'aéroport au centre, j'ai comme
d'habitude dans ces moments là le nez écrasé sur la vitre pour tenter
de discerner le maximum de détails de l'environnement qui sera le notre
pour ces quelques jours. Le trajet dure un peu plus d'une demi-heure
durant laquelle nous traversons essentiellement des banlieues
industrielles en friche, pauvres, voire miséreuses.
Souvent
des immeubles lépreux, de grandes avenues grises, parfois de petites
maisons avec jardinet. Couleurs fades, il fait froid, il fait triste.
Et
comme dans toutes les capitales du monde, peu à peu la vie apparaît,
les couleurs se font plus criardes, les peintures plus fraîches, les
passants plus nombreux, les vêtements plus luxueux.
Virage
à angle droit, et maintenant, à ma gauche le Danube. Vert. Il est vert
le Danube, pas bleu. Vert comme tous les fleuves l'hiver, quand le gris
du ciel n'arrive pas à réchauffer sa couleur. Vert et majestueux.
Le
Danube c'est comme le Nil pour moi. Un chapitre d'un cours de
géographie il y a longtemps. Le genre de truc qu'on apprend un jour
pour avoir la moyenne. Le nom des pays qu'il traverse, sa longueur, son
débit, son rôle économique, son importance. Et bien, il est là le
Danube, avec ses ponts, qui relient les deux parties de la ville ;
Buda et Pest.
Notre
hôtel est à Pest, face au château de Buda. Pendant ces quatre jours, la
nuit tombée, je vais passer du temps, assis au chaud à méditer devant
ce château irréel perché sur la colline.
De
ces quatre jours, j'ai peu de choses à partager. Ce furent quatre
journées de marche à arpenter la ville du moins son centre. Quatre
journées de ravissement et de quiétude. Peu de touristes, accueil
globalement sympathique, ambiance de Noël, douceur d'une croisière sur
le Danube.
Néanmoins
une chose. Une chose à ne manquer sous aucun prétexte : les bains.
D'innombrables sources thermales ont été captées à Budapest.
Domestiquées par les Romains, améliorées par les Turcs, développées par
l'empire, mises à la portées de chacun pendant l'ère communiste.
J'étais moyennement tenté par une trempette collective. Le bâtiment
était certes magnifique, mais la propreté douteuse, mais je me laissais
emporter par l'enthousiasme de V.
Elle a choisi les bains populaires, pour leur ambiance chaleureuse et leur mixité, à l'opposé des bains selects,
avec plus de doré et de nez pincés. Nous voilà donc au bout de la file
d'attente, devant la liste des prestations possibles. Nous laissons
tomber le panneau en Hongrois la langue ne ressemblant à rien que
nous connaissions et tentons de déchiffrer le tableau anglais. Il y
est possible de tout louer ; une cabine, un casier, un maillot de
bain, un pagne pour le sauna et le hammam, un bonnet de bain, une
séance de massage etc... L'entrée est à tarif unique, mais une
réduction est faite si on partage la cabine à plusieurs, mais pas à
plus de quatre, auquel cas on ne paye qu'un casier par personne à
partir de la deuxième, casier qu'on utilise pas vu qu'on a une cabine.
On paye la journée entière si on arrive le matin, la demi-journée si on
arrive l'après midi, et à la sortie... on se fait rembourser le trop
perçu ! Le temps de comprendre et de décider, nous sommes devant
la caissière cerbère survivant de l'ère communiste qui dans un
charabia incompréhensible décide à notre place et nous donne deux
jetons, un bleu et un rouge. Nous nous dirigeons vers le panneau bejarat
où nous nous faisons refouler par un employé qui nous fait comprendre
qu'une fois de plus nous confondons entrée et sortie. Demi-tour donc
vers le panneau kijarat, où un autre employé refoule
ma femme vers un autre couloir et me laisse passer, puis se ravise et
la laisse aussi entrer. Pourquoi ? Mystère...
Nous
errons dans quelques couloirs et tentons de déchiffrer les énigmatiques
panneaux (elle est vraiment impossible cette langue !). D'autres
employés souriants (ou moqueurs ?) nous indiquent des escaliers à
monter, des couloirs où tourner, et enfin nous arrivons dans une vaste
pièce remplie de cabines. Nous en choisissons une, passons notre
maillot de bain et tentons de fermer la porte. Pas de clé. Devons nous
laisser nos vêtements dans la cabine, les prendre avec nous ? Un
baigneur d'une trentaine d'année et baragouinant le français nous dit
qu'il faut trouver la dame (quelle dame ?). Devant nos mines
dubitatives, il part lui même à sa recherche. Une employée en blouse
blanche arrive en traînant la savate. Nouveau baragouin devant lequel
nous sourions béatement (qui a dit stupidement ?). A tout hasard
nous lui tendons nos jetons colorés, elle se gondole et nous lâche un no need
(je vous assure que ça fait du bien d'entendre des syllabes familières
parfois). Les jetons retournent dans la cabine (nous ne comprendrons
jamais non plus leur utilité). Elle sort une craie de sa poche gauche
et une médaille métallique reliée à un bout de ficelle de sa poche
droite. Avec la craie, elle écrit à l'intérieur de la
cabine, le numéro de la médaille qu'elle nous donne, et avec une clé
sortie d'on ne sait où, verrouille la porte. Elle nous fait signe
d'aller à gauche et de descendre l'escalier.
Dont
acte. Nous ouvrons une porte. Et nous voilà dehors. Oui, dehors, en
Europe centrale, au mois de décembre, et en maillot de bain.
C'est vivifiant, je vous assure.
Qu'à
cela ne tienne... devant nous, des piscines fumantes, remplies d'eau
verte, bleue, mouvantes ou non, de températures variable, 26°, 36°,
38°, ou ... froide !
D'autres
piscines sont à l'intérieur. Des bains à remous, jacuzzis, même des
bains tourbillonnants. Des joueurs d'échecs font trempette en jouant,
certains lises, d'autres se papouillent, le tout dans un décor baroque
magnifique.
Nous
nous laissons aller à nous délasser, changeant souvent de bain, tentons
même le froid (pas longtemps !) et nous promenons dans ce lieu
féerique une fois la nuit tombée. Il est interdit de prendre des
photos. Allez, vite fait, sans flash, je ne peux pas vous priver de ça
quand même...