Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Décrochage
15 novembre 2004

Troisième thé

Il est sucré à tel point que c'en est du sirop. Du sirop de thé. Plus aucune amertume, juste un goût à peine identifiable, comme suranné. Suave comme la mort disent-ils. C'est difficile d'imaginer notre mort. Plus exactement, c'est difficile pour moi d'imaginer qu'un jour tout va s'arrêter. Et quand j'essaye, immanquablement je pense à tout ce que je n'aurai pas fait. Pas à ce que j'ai vécu, pas à ce que je vis, pas à ce que je ressentirai physiquement, non, à ce que je n'aurai pas fait.

 

Deux fois je me suis cru mort. Deux fois j'ai vu la fin, je l'ai sentie, et deux fois je l'ai acceptée. C'était même agréable de me dire : ça y est, plus la peine de lutter, c'est fini, acceptes. Et quelle stupeur de me réveiller ensuite, de constater que ce n'était qu'un méchant malaise. A la fois heureux de pouvoir continuer, comme quand je remportais l'extra ball sur les flippers de ma jeunesse, et déçu de devoir de nouveau faire des efforts, batailler, gagner, progresser, réussir. Oui, la mort peut être une bénédiction.

 

Même quand la vie est belle.

 

Mes objectifs deviennent de plus en plus clair. Vivre dans l'instant, et remplir chaque instant de vie et de plaisir. Arrêter de courir après des projets toujours plus nombreux et plus compliqués. Savourer ma vie, tant qu'il y en a encore. Tout ça je peux le faire, c'est facile, yapluka. Limiter mes efforts à la construction d'un avenir agréable, avec notre projet professionnel, notre lieu de vie, nos envies d'escapades et de douceur.

 

Et un enfant.

 

C'est là que ça coince. Je bosse comme un fou, je bâtis, je coure, je me bats, mais personne à qui transmettre. Personne à qui donner toute cette expérience de vie que nous avons acquis V. et moi. A quoi peut bien servir tout ce travail si je ne prends pas le temps d'en profiter, n'ayant même pas l'excuse de le repasser à notre descendance ?

 

Je repose mon verre de thé sur le plateau. Les autres semblent également plongés dans leurs réflexions. Ce n'est pas tous les jours qu'on croise l'idée de sa mort dans un verre de thé. Ahmed nous regarde en souriant. Combien d'occidentaux a-t-il vu ainsi absorbés à cause de cette tradition des trois thés ? Le désert nous ramène à nos préoccupations animales : manger, boire, dormir, survivre.

 

Et mourir. Un jour, sûrement. Inch Allah !

Publicité
Publicité
Commentaires
Décrochage
Publicité
Publicité