Premier déjeuner, et sa suite

Le repas est prévu à midi. Après les trois thés, il nous reste quelques minutes pour écrire ou nous reposer. Je profite de ce temps mort pour observer les alentours. Les cotés de la tente sont relevés et laissent entrer des bourrasques de vent brûlant. Le soleil approche de son zénith, et une brève excursion hors de la tente à pieds nus me fait redécouvrir que les lois de la gravitation universelle sont difficiles à contourner. Je me brûle sérieusement la plante des pieds et Ahmed me dit d'un air docte : Faut pas faire ça. Tu es pas habitué. Nous si, mais toi non. OK Ahmed, de toutes façons je crois que la leçon sera retenue. Bon, pas de dégâts, la peau est un peu rouge mais d'ici demain tout devrait s'arranger.

Nous sommes dans un défilé, une bande de sable très dur, certainement le lit d'un oued asséché, encaissé entre deux montagnes d'une pierre qui ressemble à un schiste très foncé ou alors à de l'ardoise. Le campement a été monté sur un chapelet de petites dunes qui bordent la falaise. La température vient de dépasser 42° à l'ombre. Ahmed nous indique que les jours suivants seront plus agréables car nous seront à découvert. Là, ce sont les pierres qui gardent la chaleur et la restitue ensuite. Une espèce de barbecue géant en gros...

Le repas est servi sous la seconde tente. Salade de pâtes et de crudités, suivi de fruits au sirop. Nous sommes épatés de ce luxe. Les chameaux transportent environ 200 kg chacun. Les deux tentes collectives, les nattes et matelas, les tables du repas, la nourriture pour la semaine (conserves, pâtes, riz, légumes secs, viande séchée, mais aussi pastèque fraîche), une cinquantaine de litres d'eau (il y a un puit toutes les deux étapes environ), la vaisselle et les bidons de cuisine, nos sacs etc...

A la fin du repas, le café est servi, moment de détente et d'échange avec les autres membres du groupe, ou sieste pour certains. A 14 heures, nous nous retrouvons en groupe pour attaquer ce pour quoi nous sommes venus là. Car ce voyage n'est pas qu'un voyage d'agrément, et le tourisme n'est qu'un prétexte. Le désert a cette vertu de faire émerger tout ce que notre société refoule : nos peurs, nos colères, nos besoins, nos désirs. Et nous allons profiter d'être loin de tout, loin de nos occupations, pour travailler sur ces émergences, les faire partager au groupe, s'appuyer sur lui pour passer les moments difficiles. Nous sommes donc tous venu avec un objectif, et ce premier après midi sera presque entièrement consacré à leur présentation.

Bien entendu, je ne m'étendrai pas sur ce qui s'est dit durant ces trois heures d'échange, ni sur ce qui se dira durant les autres après midi.

A 17 heures, Ahmed nous appelle pour le goûter. Viendront ensuite une heure ou nous pouvons échanger en plusieurs petits groupes dans lesquels nous nous organisons par affinité. J'y retrouve deux personnes déjà connues et que j'apprécie beaucoup, ainsi qu'une autre. Nous nous isolons sur une dune, et parlons de notre première journée de désert.

A 19 heures, le repas, plat chaud – ce sera généralement un ragoût de légumes secs agrémenté d'un peu de viande et rehaussé d'épices surprenantes – et d'une part de pastèque. V. et moi tirons ensuite notre natte à l'écart et installons nos sacs de couchage. Mais avant, notre première toilette avec les lingettes. La température est d'environ 33°, la nuit est tombée, la lune nous éclaire a giorno, et quel bonheur d'enlever le tee-shirt et de passer la lingette humide sur mon torse. Nous discutons un moment, rigolons beaucoup, regardons cette magnifique lune qui au cours de la nuit passera presque exactement à notre verticale.

Nous tentons de nous endormir, mais la chaleur est insupportable dans le duvet. Bien, ce soir ce sera sans. Nous gardons quand même le drap sac, histoire de ne pas trop tenter quand même les bébêtes.

Demain lever 5h30. Nous allons tenter de partir plus tôt pour limiter la chaleur. Une bonne partie de la marche se fera dans le défilé, puis dans de la caillasse, et il risque d'y faire très chaud.