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Décrochage
17 novembre 2004

Didi



Nous avons quitté le campement très tôt comme prévu. Nous marchons dans de la caillasse parsemée ça et là de quelques touffes d'herbe. Au loin, on aperçoit une barrière montagneuse précédée de dunes majestueuses. Ca et là, des habitations – simples cubes de torchis ou demeures plus évoluées en pierres sèches et toit de chaume – très modestes, parfois entourées d'un enclos qui abrite quelques maigres chèvres. Quelques femmes assises à l'ombre nous regardent passer, certains enfants s'enfuient en nous voyant, d'autres au contraire s'approchent et prennent la pose devant l'appareil photo.  Nous nous arrêtons quelques instants devant un étal de souvenirs, poteries, cigarettes, boites de jus de fruit, tenue par une femme joviale. Quelques uns achètent, d'autres se reposent.

Un gamin nous a suivi depuis tout à l'heure. Une dizaine d'années tout au plus. Nous lui avons donné une pochette de feutres et quelques feuilles de papier. Il parle un peu français, et nous explique qu'il s'appelle Didi. Il regarde mon appareil photo. Je comprends le message. Je pose un genou à terre devant lui qui bombe le torse et redresse la tête, pochette de feutres en évidence dans la main. Je cadre en pied pour faire ressortir sa posture, et lui montre le résultat sur l'écran au dos de l'appareil. Il a un sourire jusqu'aux oreilles en se découvrant ainsi sur l'écran. Je fais défiler les photos, il voit l'avion, les paysages, les personnes qui l'entourent qu'il s'amuse à reconnaître.

Ahmed nous regroupe un peu plus loin et nous demande d'éviter de faire trop de cadeaux, surtout aux enfants. La pochette de feutres que nous lui avons offert vaut ici une fortune, comme une simple orange ou un sachet de bonbons. Si les cadeaux faits aux enfants ont une valeur supérieure à ce que rapporte le travail des parents, les gamins risquent d'être poussés à mendier plutôt qu'aller à l'école. Le tourisme est très peu développé ici, et les cadeaux sont encore des cadeaux et n'alimentent pas encore une économie parallèle. Mais pour combien de temps encore ?

Nous repartons sous le soleil. Deux petites filles nous font de grands signes de la main, puis nous suivent en trottinant. Elles sont mignonnes. Elles font les timides devant les objectifs des appareils photo. Nous nous éloignons et traversons une zone cultivée. Ca pousse mal, mais ça pousse quand même.


Quant à moi, je suis perdu dans mes pensées. Je mesure le gouffre qui nous sépare de ces populations. Les enfants ont l'air heureux. Les habitants en général ont l'air heureux. Leur société, de notre point de vue, est archaïque. Les castes sont encore très présentes, et les castes supérieures exploitent les castes inférieures. Amnesty International en parle comme étant de l'esclavage. C'est vrai. Selon notre définition. Mais qui sommes nous pour juger ? Est-ce parce que notre modèle est puissant et riche qu'il détient la vérité ? Ces gamins, n'ont rien à eux. Et pourtant ils rient et ils jouent. Le pays tourne avec des ressources ridicules, et malgré l'invasion récente des criquets pèlerins, il n'y a eu aucune famine ici. Didi serait-il plus heureux ailleurs ? Chez nous ?

Certes, c'est l'un des pays les plus pauvre du monde... si on compte en PNB, en dollars ou en budget de l'état.

Mais dans ce cas, que sommes nous venus chercher ici ?... si ce n'est la richesse de leur accueil, de leur savoir, de leur sagesse.


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