Lettre ouverte
Cher France-Inter, cher 7/9, cher Stéphane Paoli, cher Patrick Roger.
Ce matin en écoutant votre journal de 8 heures, j'ai failli me couper une oreille en me rasant. Non, cette nouvelle n'est pas à mettre à la une de vos chroniques de demain, mais j'aimerais attirer votre attention sur un des reportages, celui précisément qui évoquait l'hommage rendu à Sohane brûlée vive il y a trois ans dans sa cité par un jeune con meurtrier de 19 ans. Dans votre reportage on évoquait la pose d'une plaque comportant la mention " brûlée vive " qui à priori dérangeait quelques personnes. Et pour illustrer ces propos, une séquence dans laquelle on entend quelque chose qui ressemble à "tout le monde il en a des morts tous les jours, et c'est pas parce qu'elle a cramée vif qu'on va pleurer sur elle", tirade magnifique déclamée avec l'accent "ta_mère_tu_kiffes_graves_kôôa" en vogue dans les banlieues.
C'est là que j'ai failli y laisser mon oreille.
Mais c'est surtout là que je me suis interrogé sur les raisons profondes qui vous ont motivées à passer à l'antenne ce ramassis de dégueulis haineux et stupide.
Première explication, ce message est représentatif de la réalité vécue dans cette cité. Par représentatif, j'entends que la majorité des gens de cette cité pense ainsi, peut-être même la majorité des Français. Dans ce cas c'est de l'information, et ça m'inquiète de faire partie de la minorité opposée.
Seconde explication, vous vouliez mettre en relief qu'il existait dans cette cité, dans les autres cités, ou encore ailleurs en France un certain nombre d'énergumènes qui revendiquent ces actes barbares, les approuvent ou encore les trouvent normaux, voire insignifiants. Dans ce cas, pourquoi leur prêtez vous votre micro et diffusez vous leur "bonne parole" ? Je me souviens d'une époque ou France Inter avait décidé de boycotter Le Pen suite à ses dérapages verbaux, pour ne pas donner de tribune à la haine. Pourquoi le faites vous aujourd'hui avec les crétins des cités ?
Troisième explication, la provocation. Il est certain que la haine appelle la haine, et c'est ce qui s'est passé pour moi ce matin. D'entendre cet abruti décervelé me cracher à la gueule sa haine dans le huis clos de ma salle de bain a provoqué chez moi un bouillonnement de violence, et une fraction de seconde j'ai rêvé de pouvoir mettre la main sur ce pauvre gars et lui passer les pieds au chalumeau. Est-ce le but recherché ?
Si je peux me permettre une petite réflexion sur le métier de journaliste, il me semblait que votre rôle était d'informer, ce qui pour moi passe par un filtrage de l'information que vous diffusez. Filtrage, vérification, explications. Peut-être aviez-vous une bonne raison de diffuser cette "interview" ce matin. Dans ce cas là, donnez là.
Bien cordialement.